5 idées fausses sur la psychologie des couleurs appliquée au marketing

Les articles qui traitent du sens des couleurs sont légion, mais peu d’entre eux parviennent à dépasser le stade de l’image d’Épinal. C’est regrettable, car utilisée correctement, la psychologie des couleurs peut aider les entreprises à se créer une identité visuelle mémorable et à toucher efficacement leur public cible. Tout comme il est important de choisir d’écrire en bleu ou noir sur vos représentations d’ailleurs. Remettons les points sur les « i » avec cette sélection des 5 mythes les plus courants sur la psychologie des couleurs…
« De mon secteur d’activité dépend la couleur que je dois utiliser dans mon identité visuelle ».
Ce point-là n’est pas tant un mythe qu’une source de malentendus.
Chaque secteur d’activité a ses couleurs de prédilection, ses couleurs de charte graphique, ce qui se traduit par des identités visuelles aux couleurs proches.
Par exemple :
Les marques en lien avec la santé et la préservation de l’environnement adoptent volontiers du bleu, du vert ou du blanc dans leur identité visuelle, mais évitent les couleurs plus agressives comme le rouge.
Cette dernière est par contre très appréciée de l’industrie alimentaire ou des marques de luxe, qui la perçoivent tantôt comme appétante, tantôt comme glamour.
Ces codes existent, qu’on le veuille ou non. Il faut donc en tenir compte dans sa réflexion… mais pas les adopter aveuglément !
Les marques Hermès ou Veuve Clicquot, par exemple, ont toutes deux souhaité sortir des clous en misant sur des nuances d’orange vif, plus courantes pour des packagings alimentaires que pour des articles de luxe ou des bouteilles de champagne. Ce choix audacieux contribue à alimenter la singularité de leur image de marque, et à les distinguer de leurs concurrents sur les étagères des magasins.
Même s’il est vrai que chaque secteur a ses préférences en matière de couleurs, il y a toujours de la place pour un outsider. Choisissez-les soigneusement en fonction des choix de vos concurrents, et de la façon dont vous souhaitez vous positionner par rapport à eux.
« Je ne peux pas utiliser la couleur bleue pour vendre des cours de fitness : le bleu ralentit le rythme cardiaque… »
Il est vrai qu’il existe des recherches suggérant que les couleurs peuvent avoir un impact sur notre corps et notre comportement.
Par exemple, certaines études montrent que la couleur rouge peut augmenter le rythme cardiaque et la pression artérielle, tandis que la couleur bleue aurait l’effet inverse : elle apaise et tend à réduire la pression artérielle. D’autres études encore ont mis au jour un lien entre les couleurs rouge et orange et la stimulation de l’appétit, tandis que le bleu aurait, là encore, l’effet inverse.
Ceci étant dit :
Toutes les études réalisées sur le sujet ne sont pas d’une fiabilité absolue. Beaucoup d’entre elles sont réalisées avec des moyens limités et sur des échantillons trop petits pour être représentatives.
Par ailleurs, il est important de noter que ces effets varient d’une personne à l’autre et subissent l’influence de nombreux facteurs, parmi lesquels : la culture, l’expérience personnelle, ou encore l’environnement dans lequel les couleurs sont perçues.
Plutôt que de se focaliser sur les qualités physiologiques des couleurs, qui sont sujettes à débat, il importe de s’interroger sur la façon dont notre audience est susceptible de les percevoir en fonction de sa culture et de ses attentes.
Prenons l’exemple d’un club de remise en forme :
Le bleu n’est certes pas la première couleur qui nous viendrait à l’esprit. Mais repensez au point précédent : ce serait peut-être justement une bonne occasion de vous démarquer ! Voyez par exemple l’Orange Bleue, qui a adopté les couleurs de son nom pour mettre en avant le professionnalisme de ses experts et l’importance de se détendre entre deux séances d’activité physique…
« Le rose, c’est pour les filles ».
Difficile de passer outre les clichés, surtout lorsqu’ils sont profondément ancrés dans l’inconscient collectif. De fait, les généralisations à propos des couleurs (vert = nature, jaune = optimisme…) ne sont pas sans fondements, et méritent d’être prises en compte.
Cela dit, il y a un point important à considérer :
Lorsque, dans un contexte précis, une couleur prend un sens spécifique, ce dernier aura plus de poids, et pourra même aller jusqu’à écraser les sens plus génériques.
Pensez aux feux tricolores. Quelles image ou idée vous viennent spontanément quand le feu passe au rouge ? Les tomates ? Le sang ? Ou plutôt, l’obligation de vous arrêter et l’attente qui s’ensuivra ?
Le contraste joue beaucoup sur le sens que l’on donne aux couleurs. J’ai brièvement évoqué, au début de cet article, l’utilisation de l’orange par deux marques prestigieuses, qui y gagnent un supplément de visibilité dans les magasins (entre autres motivations possibles). En réalité, cette logique est valable aussi pour des marques dont les offres sont plus abstraites.
Lyft, par exemple, a choisi une teinte magenta par opposition à son principal concurrent, l’ambitieux Uber tout en noir et blanc. L’idée ? Accentuer leur côté humain, fun et communautaire. Au final, leur rose vif évoque moins Barbie (on se doute bien qu’ils ne s’adressent pas aux enfants !) que leur côté « outsider jeune et branché ».
« Mon bouton d’appel à l’action doit être rouge, des études ont prouvé que ça marchait mieux ! »
Ah, oui, ces fameuses études qui prouvent l’impact miraculeux des couleurs chaudes sur le taux de conversion… Navrée de casser votre enthousiasme, mais s’il suffisait de mettre du rouge partout pour mieux vendre, ça se saurait !
Ce n’est pas que les couleurs n’ont aucun impact sur le taux de conversion (Google prend d’ailleurs la couleur de ses liens très au sérieux). Mais le succès d’une couleur par rapport à une autre dépend largement du contexte.
Pour reprendre l’exemple du bouton rouge :
Le rouge est une couleur énergique, difficile à ignorer, et qui offre un bon contraste avec la plupart des couleurs. Ainsi, un bouton de cette couleur aura naturellement tendance à être plus voyant, et par extension, à obtenir plus de clics qu’un bouton qui se fondrait dans le décor.
Mon conseil ? Regardez les couleurs qui sont présentes sur votre page, et choisissez une teinte qui contraste bien pour attirer le regard sur les zones où se produit la conversion. Afin d’éviter de briser l’harmonie chromatique de votre design, vous pouvez par exemple, selon votre charte graphique, opter pour une nuance plus foncée, plus claire ou plus saturée de votre couleur principale.
« Mon entreprise va se casser la figure si mon logo n’a pas la bonne couleur ! »
Si cela peut vous rassurer, je peux vous garantir avec une certitude de 99,9% qu’en cas de faillite de votre entreprise, la couleur de votre identité visuelle ne sera probablement pas la coupable. (Ne me remerciez pas, je suis douée pour rassurer les gens.)
Blague à part :
Le propre d’une marque, c’est de créer du sens pour donner une plus grande valeur perçue aux objets et services vendus. Et qui dit créer du sens dit : instaurer ses propres règles.
Vous vous souvenez quand j’ai dit que le sens spécifique avait tendance à prendre le dessus sur le sens générique ? Bonne nouvelle : ce sens spécifique, vous avez le pouvoir de le créer.
C’est simple :
Plus vous exposerez les gens à l’association d’idées « couleur X = marque Y », plus ils s’y habitueront. Et ce, même si les connotations de base de la couleur ne font pas particulièrement sens pour vous.
À terme, vous pourrez faire le vôtre une combinaison de couleurs, voire carrément une couleur unique, comme Tiffany & Co. et son bleu turquoise tellement emblématique qu’il vole la vedette au logo.
Ceci dit, faites preuve de pragmatisme quand vous choisissez les couleurs de votre identité visuelle. Ne choisissez pas les mêmes combinaisons que vos concurrents et pensez « lisibilité ». La combinaison jaune + blanc est ravissante, mais si vous voulez qu’on puisse déchiffrer le texte de vos supports de communication, il faudra penser à introduire une couleur un peu plus contrastée dans l’équation !
Conclusion
La psychologie des couleurs recèle de pistes pour nous guider. Néanmoins, il convient de se garder d’une interprétation trop littérale ou trop figée. Le sens des couleurs est mouvant. Notre perception des couleurs dépendant largement du contexte, il est logique qu’il en aille de même pour le sens que nous leur accordons.
Chaque personne a une expérience et une appréciation personnelles des couleurs. Cela, nous ne pouvons pas l’anticiper ou le contrôler. Ce qu’on peut contrôler, en revanche, c’est le sens que nous leur donnons à travers notre marque. En évitant les généralisations, en tenant compte de paramètres tels que les tendances, l’accessibilité, le contexte, les associations culturelles et la façon dont les couleurs se combinent, vous échapperez aux pièges les plus courants et serez en mesure de créer une expérience de marque réussie.
A propos de l’auteur
Alicia Vigne : Graphiste et blogueuse iconoclaste avec un background académique de traductrice, je sévis essentiellement sur mon blog Pixeliart et sur Quora. Ma spécialité : parler de communication visuelle, de linguistique et d’intelligence artificielle sur un ton sarcastique.