Bienvenue dans l’ère de la réputation 3.0 : quand les RP doivent parler aux IA

Avec l’essor fulgurant des IA génératives, notamment les LLM (Large Language Models) intégrés à des agents comme ChatGPT, Perplexity ou Gemini, nous assistons à une révolution silencieuse qui marque l’avènement d’un troisième pilier de la réputation, fondé non plus sur l’humain mais sur les algorithmes. De médiatique à conversationnelle, la réputation est en effet en train d’intégrer une composante algorithmique avec l’enjeu d’être bien cité par les IA. Ce pouvoir de prescription et d’influence des IA devrait progressivement redéfinir les contours du métier de communicant, et en particulier celui des RP…

L’IA comme nouvelle source d’information

Nouvelles générations, nouvelles mœurs : les 18-25 ans ont déjà massivement intégré l’IA dans leur vie quotidienne. Discuter avec ChatGPT pour demander des informations, des conseils ou créer du contenu est devenu un réflexe auprès des jeunes, une quasi-dépendance même auprès de ceux qui seront les prescripteurs de demain. Point plus important révélé par une récente étude de l’agence Heaven : l’IA générative serait « la quatrième source d’information la plus fiable » après les professeurs et les experts, les moteurs de recherche sur Internet et les proches. Les jeunes auraient davantage confiance en les IA comme ChatGPT et consorts qu’en les journalistes et les influenceurs.

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Ce basculement des usages est d’autant plus déterminant que les IA ne se contentent pas de relayer l’information : elles la synthétisent, la hiérarchisent et la réinterprètent au gré de leurs algorithmes, souvent opaques. En intégrant les LLM dans leurs routines informationnelles, les digital natives bousculent le paysage médiatique à venir : l’information ne se recherche plus sur le Web, elle se reçoit par l’IA. Un modèle où le moteur de recherche devient un moteur de réponse. Et bien que les chatbots et IA conversationnels restent largement moins utilisés que Google pour s’informer, les nouveaux usages observés chez les jeunes peuvent être interprétés comme une tendance de fond, ou a minima un signal faible, indiquant une aspiration à une recherche d’information plus directe et efficace.

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Le rôle des RP face aux algorithmes

Dans cette nouvelle réalité en pleine mutation, le responsable RP se retrouve en première ligne, avec comme nouveau défi d’optimiser ses messages non seulement pour les humains, mais de penser également le contenu pour les algorithmes. Après le journaliste et le leader d’opinion, le responsable RP doit également tenter d’influencer l’IA pour être pris en compte dans les récits générés par ChatGPT, Perplexity, Copilot ou encore AI Overviews de Google. Un nouveau paradigme qui ne signifie pas pour autant abandonner les RP traditionnelles, mais de cibler en plus les LLM pour faire la promotion d’une marque et des engagements d’une entreprise.

Un défi d’autant plus fort que les risques de désinformation et de mésinformation sont plus élevés sur l’IA générative. Face à cette menace accrue, le rôle stratégique du responsable RP prend une dimension nouvelle en étant plus que jamais le garant d’une information de qualité, exigeante, précise, claire, vérifiable afin de limiter les déformations, les biais d’interprétation et les phénomènes d’hallucinations (invention de faits et d’événements, création de faux articles…), qui ont forcément un impact négatif direct sur le capital réputation.

Un travail d’influence vers les sources de l’IA

Pour complexifier la donne face aux risques de désinformation et d’hallucinations, une étude conduite par une IA – car quoi de mieux que l’IA elle-même pour comprendre le fonctionnement de l’IA ? – révèle que près de 50% des réponses de ChatGPT s’appuient sur Wikipédia. C’est en tout cas ce que montre l’analyse de la plateforme Profound, menée en février 2025 sur plus de 30 millions de citations entre août 2024 et mai 2025. Le constat semble implacable : qu’on le veuille ou non, les IA aiment Wikipédia et s’entraînent sur ses contenus, qui sont libres de droits, riches de liens contextuels et balisés par un format éditorial facilement exploitable par les modèles de langage. Sans bien sûr toucher au contenu original, il paraît donc indispensable de suivre attentivement ce qui est publié.

Et au-delà de Wikipédia, l’étude révèle aussi que Google AI et Perplexity s’alimentent davantage sur les contenus produits notamment sur Reddit, YouTube ou encore LinkedIn (via les citations sur les comptes corporate). Un constat qui ne doit pas éluder le fait que les médias traditionnels restent la colonne vertébrale dans les réponses des IA dans la mesure où ils sont considérés comme des sources de référence. A l’ère de la réputation 3.0, le péché originel serait de ne plus croire en la presse ni dans la force des relations humaines. L’intelligence artificielle ne remplace pas le journaliste et le leader d’opinion, elle les prolonge, elle les augmente.

Vers une stratégie RP augmentée

Dans ce nouveau paradigme, influencer les sources de l’IA suppose une stratégie RP pensée dans une logique d’influence à 360° où la presse et les réseaux sociaux jouent un rôle complémentaire ; d’autant que les contenus de la presse en ligne constituent bien souvent le point de départ des discussions sur le Web social. La stratégie de ciblage des RP se doit donc d’évoluer dans sa compréhension technique pour être indexée (« prêts à digérer ») dans les moteurs de réponse.

Prenons le cas typique du communiqué de presse : traditionnellement statique et rédigé au format PDF téléchargeable sur le site Corporate, celui-ci se doit désormais d’être doublé par une page dédiée au format HTML ; une page comprenant des chiffres, des graphiques, un résumé et une FAQ (car les IA aiment les formats Q&A). Le balisage doit donc être pensé à la fois pour le SEO (référencement pour l’humain) et le RIA (référencement pour l’intelligence artificielle). Cette nouvelle équation – écrire pour l’humain et pour la machine – constitue la clé de voûte d’une stratégie RP augmentée qui requiert une collaboration étroite avec les équipes digitales et SEO, qui ont, de leur côté développé des compétences en RIA.

Un nouveau KPI : la visibilité IA

Enfin, cette nouvelle donne implique un suivi renforcé de la présence en ligne. La veille médiatique traditionnelle s’étend à une veille algorithmique pour cartographier sa visibilité dans les réponses IA et s’assurer de l’exactitude des réponses. Pour le moment, le monitoring de l’IA s’envisage donc prioritairement dans une logique de protection pour éviter la propagation de fake news et une exagération dans l’interprétation des controverses et autres sujets sensibles. Les réponses technologiques pour suivre la visibilité sur l’IA commencent à apparaître mais semblent encore silotées. Il n’existe visiblement pas à ce jour de solution technologique qui proposerait un tableau de bord unique intégrant à la fois le monitoring de l’IA (visibilité dans les LLM/chatbots) avec la veille presse et réseaux sociaux.

Cet enjeu de veille se conjugue nécessairement à un enjeu de mesure de la réputation via l’intégration de KPIS spécifiques sur l’IA. A l’instar du reporting médiatique, le suivi des mentions de marque dans les résultats, l’analyse des sources citées et la qualification du sentiment associé aux réponses (de surcroît face aux hallucinations de l’IA) deviennent des indicateurs business à part entière.

Cette réputation algorithmique devient ainsi un actif stratégique au même titre que la réputation médiatique traditionnelle. Les marques qui sauront concilier cette double logique humaine et algorithmique seront les plus à même de faire fructifier leur capital réputation, et à le protéger. L’avènement de la réputation 3.0, à laquelle nous assistons, renforce paradoxalement les fondamentaux des RP et en particulier sa dimension humaine. Plus la technique se développe, plus le rôle de l’humain devient finalement central et à valeur ajoutée. La différence se jouera encore sur la capacité des RP à bâtir des relations de confiance et à proposer des contenus créatifs et captivants, mais à condition de les adapter aux nouvelles règles de la recherche d’information. L’IA ne remplacera pas l’expertise humaine, elle l’augmentera, pour ceux qui sauront dès aujourd’hui prendre en marche le train de cette révolution.

À propos de l’auteur

Ludovic Desmons est consultant indépendant en communication et marketing. Il était précédemment Senior Vice President de la filiale Data & Intelligence (DXI) du groupe Edelman. Il a commencé sa carrière en 2008 chez i&e décisions (désormais BCW). Spécialisé dans l’analyse d’image, d’opinion et de tendances, Ludovic dirige désormais le cabinet d’études et de conseil indépendant en communication Infine Data & Conseil. Aujourd’hui, Infine Data & Conseil accompagne des entreprises à dimension mondiale à fort ancrage local, opérant dans des secteurs diversifiés tels que le tourisme, le BTP, le luxe ou encore la santé.