À l’heure où diverses identités de genre commencent à s’affirmer et bouleversent le clivage traditionnel entre hommes et femmes, on est en droit de s’interroger sur la place du genre dans le monde du travail. C’est dans cette optique que l’agence monCVparfait, spécialisée dans le recrutement, a mené une enquête et interrogé plus de 1 000 personnes sur les liens entre genre et métiers. Parfois inexactes et parfois très proches de la réalité, les réponses des participant·e·s sont surtout révélatrices de la présence de nombreux stéréotypes profondément ancrés dans la perception du milieu professionnel…

Les métiers ont-ils un genre ?

L’enquête montre d’emblée que certains métiers restent associés à un genre. Les participant·e·s ont été interrogé·e·s sur 21 métiers différents. Seuls neuf d’entre eux ont été jugés « neutres ». Les métiers d’officier de police, de sapeur-pompier, de chauffeur routier, d’ouvrier du bâtiment, de secrétaire ou encore d’électricien sont majoritairement associés aux hommes. À l’inverse, les professions d’enseignant, de garde d’enfant, d’aide à domicile, de coiffeur ou d’infirmier sont jugées féminines.Formation community management

Qu’en est-il de la réalité ? L’enquête de l’Insee « Métiers “de femmes”, métiers “d’hommes” : en quoi les conditions de travail des femmes et des hommes diffèrent-elles ? », parue en 2022, montre qu’il existe une prédominance masculine dans certains secteurs, notamment parmi les ouvriers du bâtiment, les conducteurs de véhicules et les techniciens et agents de maîtrise et de maintenance.

D’autres métiers comptent une grande majorité d’employées. C’est le cas des assistantes maternelles, des secrétaires (profession pourtant considérée comme masculine par les participant·e·s à l’enquête), des aides-soignantes et des aides à domicile. Si les opinions des participant·e·s à l’enquête ne concordent pas totalement avec la réalité, force est de constater qu’il existe bel et bien des métiers « masculinisés » et d’autres « féminisés ».

Fait intéressant, l’étude de l’Insee souligne que le déséquilibre entre les genres se retrouve également au sein d’une même profession, en témoigne la répartition du type de risques encourus par les employés. De manière générale, les métiers masculinisés connaissent des risques plus élevés de pénibilité physique, tandis que les métiers « féminisés » comportent principalement des risques psychosociaux. Cependant, il a été noté qu’au sein d’un même métier, les femmes sont plus exposées à un manque d’autonomie que leurs collègues masculins. Ces derniers sont davantage concernés par les risques de pénibilité physique. Cette différence de risques pourrait s’expliquer par une division sexuée des tâches.

Il convient de nuancer ce tableau en mentionnant les métiers « mixtes », qui comportent notamment les cadres de la fonction publique, les professions des arts et des spectacles, les employés de l’hôtellerie-restauration et certains ouvriers des industries de process. Au sein de ces métiers, les risques sont les mêmes pour tous et toutes : une faible pénibilité physique, mais des contraintes organisationnelles, avec de longues semaines et des heures supplémentaires fréquentes.

Genre et difficultés au travail : l’égalité dans l’adversité ?

Si les risques rencontrés sur le lieu de travail révèlent un déséquilibre évident dans la répartition des activités entre hommes et femmes, la perception des faiblesses de chaque genre en milieu professionnel montre que ces différences sont aussi ancrées dans des stéréotypes parfois érigés en normes sociales.

Selon les participant·e·s à l’enquête, le principal obstacle auquel se heurtent les femmes dans un secteur à prédominance masculine concerne les difficultés liées à la force physique. Il est suivi de l’augmentation de l’anxiété et des violences et des intimidations fondées sur le genre. Il est vrai que la pénibilité physique est le risque principal lié aux métiers à prédominance masculine, en particulier les métiers ouvriers. Les femmes évoluant dans ce secteur sont effectivement surexposées à ce risque.

Néanmoins, la pénibilité physique ne représente pas le risque principal pour ces femmes. En effet, elles sont bien plus exposées au manque d’autonomie. De plus, elles sont moins touchées par la pénibilité physique que leurs collègues masculins, pour lesquels ce risque est le plus important. Concernant les métiers non ouvriers à prédominance masculine, hommes et femmes sont principalement exposés à des risques d’intensité du travail.

Les personnes interrogées estiment que les hommes travaillant dans un secteur à prédominance féminine se heurtent surtout à l’incompréhension de la part des autres hommes et au manque de reconnaissance. Selon l’Insee, les hommes exerçant un métier « féminisé » sont le plus souvent confrontés à des exigences émotionnelles, à la pénibilité physique, au manque de soutien et à l’instabilité de leur poste. Les catégories « exigences émotionnelles » et « manque de soutien » correspondent aux difficultés mises en avant par les participant·e·s à l’enquête, mais ce ne sont pas les seuls obstacles que rencontrent les hommes dans un secteur à prédominance féminine.

Les faiblesses perçues des hommes et des femmes en milieu professionnel ne correspondent que partiellement à la réalité. Cet écart s’explique peut-être par les stéréotypes associant certaines capacités à un genre : les femmes sont plus faibles physiquement que les hommes, donc un métier d’homme sera pénible pour une femme. On peut également le relier au phénomène des métiers genrés : un homme exerçant un métier de femme sera dénigré.

Si l’on s’intéresse aux problèmes rencontrés par les hommes et les femmes quel que soit leur métier, l’enquête montre plusieurs phénomènes intéressants.

Chez les femmes, la première défaillance professionnelle dans le milieu du travail serait la difficulté à concilier vie professionnelle et vie personnelle.

Ce résultat semble corroboré par l’étude de l’Insee « Femmes et Hommes : une lente décrue des inégalités » (2022), qui indique que 27 % des femmes qui travaillent sont à temps partiel, contre 8 % des hommes ayant un emploi. Cet écart s’explique notamment par le déséquilibre entre les rôles masculins et féminins dans la parentalité.

Ainsi, 26 % des femmes en emploi à temps partiel déclarent comme raison principale la nécessité de s’occuper d’enfants ou d’une personne dépendante, contre 6 % des hommes dans la même situation. Cet écart se retrouve également dans la population inactive, c’est-à-dire la population de plus de 15 ans qui n’a pas d’emploi et n’est pas au chômage. Plus de la moitié des femmes inactives (55 %) déclarent l’être pour raisons familiales, contre 7 % des hommes inactifs. Cette disparité sociale se répercute sur le monde professionnel.

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Chez les hommes, la principale défaillance concernerait la difficulté à gérer leurs émotions. On peut supposer que les personnes interrogées pensent avant tout aux métiers à risque, souvent associés au genre masculin. La deuxième défaillance professionnelle des hommes serait la difficulté à prendre des décisions, une difficulté qui n’arrive qu’en septième position chez les femmes.

Il est intéressant de noter que la gestion des émotions et la difficulté à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle figurent parmi les trois principales défaillances professionnelles pour les hommes comme pour les femmes. Ces similitudes se retrouvent également dans la liste des forces attribuées à chaque genre en milieu professionnel. En effet, selon les participant·e·s, hommes et femmes peuvent compter avant tout sur leurs compétences techniques et leur capacité à prendre des décisions.

Quelle évolution pour les inégalités de genre ?

Si les stéréotypes de genre mis en lumière par l’enquête ne concordent pas toujours avec la situation réelle des hommes et des femmes dans le monde professionnel, force est de constater que le clivage des genres dans ce domaine est toujours présent. Hommes et femmes sont surreprésentés dans certaines professions et la notion de métier genré est loin d’avoir disparu. Au sein d’une même profession, les activités sont soumises à une logique de répartition sexuée, entraînant des risques différents pour chacun des deux genres.

D’autres déséquilibres de rôles, dans la sphère familiale notamment, viennent renforcer ces inégalités de genre en milieu professionnel.

L’enquête semble pourtant annoncer un recul des inégalités de genre. Une majorité des participant·e·s considèrent en effet que les compétences sont plus importantes que le genre pour 19 des 21 métiers étudiés. Notons également que 79 % des hommes interrogés affirment qu’ils seraient prêts à travailler dans un secteur à prédominance féminine et que 80 % des femmes ne voient aucun inconvénient à évoluer dans un secteur à prédominance masculine. Les inégalités de genre seraient-elles vouées à disparaître ? Plus des trois quarts (76 %) des participant·e·s en sont convaincu·e·s.

Sources :

A propos de l’auteur

Nino Brover : Rédacteur chez monCVparfait et traducteur, Nino se passionne depuis toujours pour l’écriture sous toutes ses formes, de la littérature aux modes d’emploi de machine à laver en passant par le sous-titrage de films documentaires et de vidéos promotionnelles. Le monde de l’emploi fait partie de ses (très) nombreux centres d’intérêt.