Avec l’avènement des médias sociaux, l’e-réputation est devenue un sujet de préoccupation majeur pour les entreprises. Pour moi, elle ne se limite pas à l’anticipation ou la réaction post-crise sur la Toile, elle contribue aussi à l’amélioration continue des organismes (institutions, entreprises, associations) et doit aller plus loin que la simple (parfois compliquée) modération. La veille permet d’identifier les discussions émergentes, les retours au sujet de son entreprise. Elle permet ainsi de rentrer en relation avec sa communauté mais aussi d’identifier des leviers d’amélioration des produits ou des services. Une réclamation 2.0 ou une crise de plus grande ampleur peut être un point d’entrée pour ce que l’on appelle en management de la Qualité, le diagramme d’Ishikawa…

Diagramme d’Ishikawa

Derrière ce terme de diagramme d’Ishikawa appelé plus communément diagramme « en arêtes de poisson », se cache en réalité la notion d’arbre des causes. En prévention des risques professionnels, il s’agit d’établir les origines d’un incident ou d’un disfonctionnement en prenant en compte différentes composantes de l’entreprise. Cette démarche contribue à l’analyse a posteriori des risques et à l’amélioration de la structure. Mais finalement, l’atteinte à l’e-réputation d’une entreprise représente également un risque pour l’entreprise. Pourquoi alors ne pas transposer cette démarche à l’étude et l’analyse de crise liée à l’e-réputation ?Parcours de formation : Créer son entreprise pour une activité d'indépendant

En pratique, ce schéma peut regrouper plusieurs catégories de causes : facteurs humains (erreurs d’un collaborateur, manque de formation), procéduraux (absence de charte de communication), technologiques (bugs, faille de sécurité), ou encore externes (clients mécontents, concurrents, médias). Le community manager peut ainsi visualiser clairement d’où provient la crise et proposer des actions correctives concrètes.

diagramme ishikawa
Diagramme d’Ishikawa

« L’effet » que l’on souhaite éviter est la crise ou la reproduction d’une crise de l’e-réputation.

Le diagramme d’Ishikawa a donc une double fonction :

  1. Suite à une réclamation, améliorer ses produits ou ses services en vue de prévenir une réelle crise – les interactions entre community manager et service qualité/client étant primordiales ;
  2. Réaliser une analyse post-crise pour éviter qu’elle ne se reproduise et identifier les actions d’amélioration à mettre en place pour cela ;

L’analyse de crise

Sans aller jusqu’à l’application littérale du diagramme d’Ishikawa, le professionnel de l’e-réputation peut et doit identifier les origines de la crise. Si un mini bad-buzz peut directement être traité par le community manager, d’autres situations, les véritables crises, révèlent des besoins plus profonds d’évolution de l’entreprise. Dans ces cas-là, quoi de mieux que l’analyse systémique et l’étude des liens de causalité entre les différents évènements ayant menés à la crise ?

Une analyse de crise efficace passe par plusieurs étapes : collecte des données (écoute active sur les réseaux sociaux, monitoring via des outils comme Talkwalker ou Mention), classification des incidents (retards, erreurs de communication, défaut produit, problème logistique) et évaluation de l’impact (nombre de mentions négatives, baisse du NPS, perte de chiffre d’affaires). Selon Edelman Trust Barometer 2023, 63 % des consommateurs affirment qu’ils cesseraient d’acheter auprès d’une marque qui ne gère pas correctement une crise en ligne.

Avec l’appui du service qualité, le community manager ou la personne en charge de l’e-réputation pourrait alors traduire les réclamations clients et les causes primaires de la crise en suggestions d’améliorations ayant une vraie valeur ajoutée pour l’entreprise.

Le cas Findus

Début février, l’agence de sécurité alimentaire britannique (FSA) révélait la présence de viande de cheval  dans des produits censés contenir uniquement du bœuf.  Ainsi naquit « L’affaire Findus » au Royaume-Uni. Evidemment, il n’a pas fallu attendre longtemps pour voir la twittosphère (plus de 50 000 mentions le 7 février) et le reste de la Toile se saisir du sujet.

mentions findusEvolution du nombre de mentions du terme « Findus » sur Twitter (04/02 – 11/02)

Même la maigre page Wikipédia consacrée à la marque évoque cette affaire. La crise s’est rapidement propagée et l’atteinte à la réputation de Findus est indéniable. Il est évident que Findus va réaliser une enquête (elle a déjà commencé) pour tenter d’identifier les causes primaires du scandale et prendre les mesures nécessaires. La notion d’analyse systémique des causes prend ici tout son sens. Traçabilité des produits, contrôles qualité et relations avec les fournisseurs vont être étudiés. Pourquoi alors ne pas inclure dans le dispositif d’analyse de crise, un volet « E-réputation » ? N’est-il pas important d’identifier les parties prenantes dans la propagation de la crise et les relais sur le web ?

Car l’enjeu pour Findus dans cette affaire est bien sûr de clarifier l’histoire, de rassurer les consommateurs mais aussi de préserver son image.

Vers une gestion proactive de l’e-réputation

En réalité, l’e-réputation ne devrait jamais être traitée uniquement en réaction, mais comme un levier stratégique intégré au pilotage global de l’entreprise. Selon une étude de Weber Shandwick (The State of Corporate Reputation, 2023), 63 % de la valeur de marché d’une entreprise est directement liée à sa réputation. Cela signifie qu’un simple bad buzz peut avoir des répercussions financières immédiates, parfois plus fortes que des crises opérationnelles.

C’est pourquoi le diagramme d’Ishikawa appliqué à l’e-réputation devient un outil concret de management :

  • Il aide à cartographier toutes les causes possibles d’une crise digitale : manque de transparence, défaut produit, erreurs de communication, retard logistique, manque de formation interne, etc.
  • Il offre une base pour mettre en place un plan d’amélioration continue, en connectant le travail du community manager aux équipes marketing, RH, qualité et juridique.

Une marque de e-commerce, par exemple, confrontée à des réclamations sur Twitter concernant des délais de livraison peut, grâce à cette approche, identifier non seulement une faille logistique, mais aussi un manque de communication proactive auprès des clients.

Bonnes pratiques pour anticiper et limiter les crises

  1. Mettre en place une veille e-réputation en temps réel : des outils comme Mention, Talkwalker ou Brandwatch permettent d’identifier rapidement les signaux faibles (pics de mentions, sentiment négatif).
  2. Définir un protocole de gestion de crise : qui répond, dans quel délai, sur quels canaux. Selon Edelman Trust Barometer (2024), 74 % des internautes jugent une marque sur sa capacité à répondre rapidement en ligne.
  3. Former les équipes internes : l’e-réputation n’est pas qu’un sujet de CM. Chaque service doit savoir comment ses actions (service client, RH, innovation) influencent l’image globale.
  4. Transformer chaque réclamation en opportunité : répondre de manière transparente et apporter une solution visible peut renforcer la confiance. D’ailleurs, une étude BrightLocal (2023) montre que 89 % des consommateurs sont plus enclins à choisir une marque qui répond systématiquement à ses avis en ligne.

 En conclusion

Le diagramme d’Ishikawa appliqué à l’e-réputation n’est pas seulement une méthode d’analyse de crise, c’est une vraie boussole stratégique pour éviter de reproduire les mêmes erreurs et bâtir une image de marque solide. L’entreprise qui intègre cette logique proactive transforme chaque crise potentielle en levier d’amélioration, de transparence et de confiance — trois piliers indispensables dans l’ère numérique.