Décryptage d’un bad buzz : l’exemple de Daddy

Vous avez peut-être déjà vu ces affiches : « Au commencement, Daddy est végétal » ou « Daddy vous rappelle que le sucre est une plante ». Le géant français du sucre prône selon ses propres mots « une communication sincère et engagée ». Pourtant, la publicité ne passe pas. Mais pourquoi donc ? Décryptage d’un bad buzz qui aurait pu être évité !
Le greenwashing : un ingrédient du bad buzz
La marque joue sur les mots et ment aux consommateurs. Le sucre n’est pas une plante. Il est issu d’une plante, ce qui n’est pas du tout pareil. Le sucre provient bien de canne à sucre ou de la betterave dans le cas de Daddy. En revanche, il est nécessaire de le transformer pour l’obtenir à travers plusieurs étapes de chauffage, de décantation ou encore de filtration.
On obtient alors un produit dérivé et transformé, le saccharose.
En gros, c’est comme si Nutella disait que l’huile de palme est une plante… Ben quoi ? L’huile végétale est obtenue à partir des fruits d’un palmier après tout ! Vous voyez le problème ?
Pour appuyer son propos, Daddy ajoute du vert dans le décor afin que l’association à un mode de vie sain se fasse spontanément et inconsciemment dans l’esprit du consommateur.
Et c’est ce qu’on appelle une belle technique de greenwashing ! Le greenwashing, c’est « l’art » de transmettre des informations au public qui sont dans le fond, comme dans la forme, une présentation déformée de la réalité. Le but des entreprises est d’apparaître comme responsables d’un point de vue social et/ou environnemental aux yeux de leur public cible.
Daddy n’en est pas à son coup d’essai. Sur son site aussi, l’accent est mis sur le vert, les exploitations françaises, la faible consommation en CO2 grâce à la proximité des agriculteurs et des sucreries, l’engagement pour mieux manger (avec un nutriscore noté D quand même), le passage d’un sachet plastique à un sachet en kraft recyclable…
Ces informations sont sans doute vraies mais elles dissimulent une partie de la réalité pour ne mettre en lumière que le positif. Et ça, les consommateurs en ont plus qu’assez !
Un contexte ignoré qui mène Daddy au bad buzz
En comparant son sucre à une plante, Daddy tente de faire oublier le contexte, sciemment ou non, autour du sucre.
Blanc ou roux, bio, de betterave, de canne ou de fleur de coco, le sucre ne possède pas les bienfaits des fruits et légumes. Il n’apporte pas de vitamines, ni de fibres.
Avec cette campagne, Daddy édulcore une réalité bien peu rose : le sucre est dangereux pour la santé.
L’Organisation Mondiale de la Santé en personne établit la responsabilité des sucres simples sur l’état de santé des populations. Le diabète, l’obésité, les maladies cardiovasculaires ou la stéatose hépatique non alcoolique (« maladie du foie gras ») sont des problèmes sanitaires liés de près ou de loin à la consommation excessive de sucre.
L’influence du sucre sur l’organisme n’est plus à démontrer. Sa consommation modifie l’humeur, améliore les aptitudes cognitives, stimule le système cérébral de la récompense allant même jusqu’à créer une dépendance dans certains cas. Il agit finalement comme une drogue sur le corps.
« Dans la nature, où a évolué notre espèce humaine, on trouve des fruits qui contiennent peu de sucre, alors que l’industrie permet de fabriquer des produits très concentrés. » Serge Ahmed, directeur de recherche au CNRS.
Même si nous en avons besoin, les quantités ingérées et créées par l’industrie ont transformé le sucre en un produit dangereux…
Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à lire cet article de Santé Figaro.
Un mauvais timing pour Daddy
En plus de ces deux écueils, greenwashing et « oubli » du contexte, Daddy a fait une autre erreur. La marque n’a pas pris en compte l’actualité qui a mis un coup de projecteur sur la filière sucrière.
Au moment même du lancement de la campagne de publicité fin octobre, le Sénat a réautorisé l’utilisation des néonicotinoïdes, des pesticides tueurs d’abeilles, précisément pour la culture des betteraves à sucre. Ces pesticides, servant à éradiquer une maladie sur les plantes, étaient totalement interdits depuis 2018.
Or, la conscience environnementale est plus éveillée qu’auparavant. Difficile de passer à côté de cette actualité et de ne pas s’en souvenir lorsque Daddy déploie sa campagne. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour les consommateurs.
Foodwatch a été le premier à réagir et dénoncer ces publicités en les parodiant et en lançant le hashtag #DaddyPasCool. Car en plus d’être mauvais pour l’environnement, les pesticides sont évidemment délétères pour la santé.
Comment le bad buzz est-il géré par la marque ?
La marque a à peine réagi, invoquant l’humour et une « tonalité décalée et ludique » pour justifier ses publicités.
Le mal est fait : une pétition est lancée pour interdire la campagne. Sur les réseaux sociaux, chaque publication évoquant le slogan « le sucre est une plante » est un prétexte pour les commentaires rappelant le contraire.
Une bien mauvaise gestion de la part de Daddy qui, en plus d’avoir fait une belle erreur de communication, ne tient pas compte des avis des consommateurs. Alors certes, on pourrait penser que les détracteurs ne sont pas la cible de la marque. Mais le risque de perdre des consommateurs est trop grand pour s’entêter et fermer les yeux.
Que faire pour éviter une erreur de communication de ce type ?
Vous n’avez peut-être pas la médiatisation de Daddy mais aujourd’hui les bad buzz touchent toutes les marques, même les plus petites. Les consommateurs sont attentifs à la moindre bévue et détestent être pris pour des idiots.
Les Français cherchent l’authenticité dans une marque. Plus de 8 consommateurs sur 10 sont d’ailleurs prêts à récompenser une marque pour son authenticité en lui restant fidèle ou en la recommandant (source : étude Authentic 100 de Cohn & Wolfe, 2018).
Si vous ne voulez pas vous retrouver dans une situation similaire, il y a quelques points à vérifier lors de la construction de votre communication :
- Ne mentez pas ou ne transformez pas la vérité à votre avantage. Tout finit par se savoir. Si vous appuyez votre communication sur une fabrication française de vos produits alors qu’ils sont fabriqués en Chine, vous prenez un gros risque ;
- Autrement dit : ne faites pas de greenwashing et tenez vos engagements ;
- Prenez en compte le contexte : Daddy aurait eu plus de nez de communiquer sur une meilleure façon de consommer le sucre (moins mais mieux) en prenant en compte le fait que le sucre est responsable de graves problèmes sanitaires partout dans le monde ;
- Restez au fait de l’actualité : votre communication doit être adaptée à ce qu’il se passe en France et ailleurs dans le monde. Daddy n’a pas pris en compte le contexte délicat d’une autorisation de pesticides tueurs d’abeilles. Mais la crise sanitaire a elle aussi donné lieu à de beaux exemples d’erreurs de communication…